Plaidoyer en faveur des introvertis dans un monde extraverti

La plupart des personnes auxquelles je demande leur perception des Introvertis expriment spontanément les qualificatifs « réservés », « renfermés », « timides ».

Le premier terme est plutôt juste, dans le sens « rester en retrait de l’événement ».

Le second est inexact si nous lui attribuons l’acception « ne pas vouloir communiquer ». Les Introvertis aiment communiquer, mais ils préfèrent les discussions posées en tête-à-tête aux échanges débridés en groupe.

Le troisième est totalement inexact. La timidité est un trouble du comportement, lié notamment à la peur de l’opinion de l’Autre, elle n’a donc aucun lien avec l’introversion. Un grand nombre d’Introvertis ne sont pas timides.

Il me semble ainsi nécessaire de préciser les notions d’introversion et d’extraversiontelles que CG JUNG les a définies dans son ouvrage « Types psychologiques », je cite : « Les types généraux d’attitude (NDLR introversion/extraversion) se distinguent par l’attitude particulière qu’ils prennent vis-à-vis de l’objet (NDLR la situation vécue). Celle de l’introverti est abstractive ; au fond son but semble être d’enlever à l’objet la libido, comme s’il devait sans cesse se prémunir contre sa trop grande puissance. Celle de l’extraverti, au contraire, est positive. Il en affirme l’importance au point d’orienter constamment son attitude subjective d’après l’objet auquel il la rapporte. Au fond, l’objet ne prend jamais à ses yeux assez de valeur et c’est pourquoi il lui faut en augmenter l’importance ».

En termes plus simples : l’Introverti souhaite garder une distance par rapport aux situations, afin de ne pas se laisser influencer par elles ; l’Extraverti a une propension à réagir spontanément et à se faire absorber par les situations.

Nos points de vue, nos actions, nos décisions, sont aujourd’hui très largement guidés par notre environnement digital, lequel nous transmet en permanence des flux d’informations (fils d’actualité des réseaux sociaux, chaînes TV en continu…). La particularité de ces flux d’informations est qu’ils nous sont adressés de manière empirique, ou à partir d’algorithmes que nous ne maîtrisons pas, sans avoir vérifié au préalable que nous avons la volonté et sommes prêts à les recevoir à l’instant où nous les réceptionnons.

L’entreprise est bien entendu concernée par ce phénomène, en « poussant » vers ses collaborateurs des indicateurs de performance et de pilotage en temps réel, en favorisant la communication multidirectionnelle grâce aux outils partagés ou collaboratifs. Tous ces supports sont à la fois technologiquement avancés et bénéfiques, ils permettent l’agilité, la transversalité, l’autonomie, la responsabilisation.

Cependant, s’ils ne sont pas utilisés avec suffisamment de discernement, ils peuvent générer des points de vue immédiats parcellaires, des réactions spontanées, des décisions hâtives.

Il nous est donc indispensable de savoir prendre le recul nécessaire afin d’éviter ces pièges qui nous tendent les bras en permanence.

Or c’est là que réside précisément la grande force des Introvertis, dans leur capacité spontanée à garder une distance psychologique face aux situations, à se forger sur les sujets une opinion la plus exhaustive possible, à mener une réflexion approfondie avant d’agir.

Autant de modes de fonctionnement auxquels les Extravertis font appel de manière moins spontanée, et qui nécessitent donc de leur part un effort d’adaptation.

C’est pourquoi il me semble essentiel pour les entreprises de veiller à l’existence d’une sorte de « parité » entre Introvertis et Extravertis. Que ce soit au niveau des membres de Direction, des managers opérationnels, des collaborateurs, cet équilibre des forces, au sens « physique » du terme, est selon moi un élément indispensable au maintien du centre de gravité des organisations, et donc à leur bon fonctionnement.

Cela nécessite probablement de réfléchir à certaines modalités de travail, afin de créer des conditions répondant aux aspirations des uns et des autres. Prenons l’exemple des « open-space », qui sont typiquement un modèle d’organisation pensé pour les Extravertis, mais qui convient beaucoup moins aux Introvertis, je pourrai y revenir dans un prochain article.

Dans un monde aux modes de fonctionnement de plus en plus extravertis, sachons reconnaître l’apport important des Introvertis, et porter sur eux un regard (peut-être) différent de celui que nous leur portons bien souvent…

Jim BREMAUD

Publié le 25/04/2018