Les introvertis : un gisement de talents sous-exploité dans l'entreprise

Dans son ouvrage « Le pouvoir des introvertis dans un monde trop bavard », l’essayiste américaine Susan Cain écrit « …, trop souvent, les mauvaises idées exprimées avec conviction l’emportent sur les bonnes ». Cette phrase, au premier abord évidente et anodine, mérite d’être approfondie pour prendre tout son sens.

Le psychologue Jérôme Kagan a mené une étude longitudinale consistant à suivre des bébés de quatre mois jusqu’à l’âge adulte. En les exposant à une série d’expériences liées à la nouveauté (voix, odeurs, visages) il distingua trois groupes de nourrissons : l’un réagissait fortement (cris, pleurs, agitation), l’autre réagissait très peu, le troisième se situait entre ces deux extrêmes.

En suivant les deux groupes extrêmes il se rendit compte que la majorité des nourrissons « à réactivité haute » évoluèrent vers un comportement introverti, la majorité de ceux « à réactivité basse » vers un comportement extraverti. Cette étude permit notamment de comprendre que les introvertis sont très sensibles aux stimuli extérieurs, et préfèrent donc travailler dans des environnements calmes et posés.

Puis dans une série de tests d’association visuelle il observa que les enfants « à réactivité haute » prenaient plus de temps que les autres pour étudier les possibilités et étaient plus nombreux à faire le bon choix.

Selon différentes études, le « chemin neuronal » utilisé par les introvertis pour traiter les informations et les stimuli extérieurs est plus complexe que celui utilisé par les extravertis, car il fait appel à la mémoire à long terme et à la zone du cerveau dédiée à l’organisation et à la planification. Leur traitement des informations est donc plus rationnel, fait le lien entre le présent et les situations vécues antérieurement, et nécessite donc plus de temps.

Dans tous les groupes de travail que j’anime en entreprise lors de formations, de séminaires ou de réunions, j’observe que le déroulement des discussions est fortement orienté par la capacité spontanée des extravertis à s’exprimer et leur aisance dans un environnement fortement stimulant. Et même si je suis vigilant à donner la parole aux introvertis, leur expression est bien souvent une réponse ou est influencée par ce qui vient d’être dit.

J’ai ainsi la conviction que dans les formes d’expression collective, l’entreprise passe à côté d’un gisement d’idées et de talents, bien présent mais insuffisamment exploité. Aussi il me semble nécessaire de travailler sur deux axes : d’une part expliquer et faire prendre conscience des différences entre les modes de fonctionnement introvertis et extravertis ; d’autre part mettre en place des formes de collaboration permettant d’obtenir le meilleur de chacun.

Une réunion d’une heure pour une prise de décision collective au sein d’une équipe pourrait par exemple être transformée en une séance de vingt minutes d’expression collective, suivie d’une séance de réflexion « à la carte » (seul ou à plusieurs), puis d’une séance finale de prise de décision ; les trois séances étant conduites consécutivement ou non en fonction de la décision à prendre.

Aussi je vous invite à revisiter les modes de fonctionnement collaboratifs au sein de votre entreprise, de votre équipe ou de votre organisation, afin de bénéficier de tout son potentiel de talents.

Jim BREMAUD

Publié le 25/11/2018