Le changement ne se conduit plus, il "est" !

Lors d’une récente journée de travail et de réflexion sur le thème « Conduite du changement et types de personnalité » à laquelle je participais, les échanges ont notamment porté sur le fait que le changement n’est plus un événement ponctuel dans la vie de l’entreprise, mais est devenu une réalité permanente. Les participants, en poste dans des secteurs d’activité et des sociétés de tailles très différents, partageaient largement ce point de vue et mesuraient son impact pour les nouvelles générations.

Cette réalité requiert en effet de la part des jeunes talents la capacité à s’adapter et à vivre dans un environnement professionnel mouvant par nature, d’où l’importance accrue accordée aux « soft skills » (communication, flexibilité, adaptabilité, esprit collectif, créativité, initiative), considérées à présent par les recruteurs comme des compétences indispensables, au même titre que les compétences techniques.

Le changement n’est surtout pas un sujet nouveau pour les entreprises, il est traité depuis bien longtemps dans de très nombreux ouvrages, et les méthodes pour le conduire sont largement éprouvées. Posons-nous alors une question de sémantique à propos de l’expression « conduire le changement ».

Les trois premières définitions du verbe « conduire » données par le dictionnaire Larousse sont les suivantes :

  • Mener quelqu'un, un animal avec soi vers un lieu déterminé, les accompagner à pied ou avec un véhicule

  • Transporter quelqu'un, quelque chose dans un véhicule vers un lieu déterminé

  • Mener à tel ou tel lieu en y aboutissant ou en le desservant

Ces trois définitions expriment clairement que « conduire » signifie gérer une trajectoire entre 2 points préalablement définis (ex. conduire une voiture d’un endroit A à un endroit B, conduire une équipe de vente de son niveau de chiffre d’affaires année N à l’objectif de chiffre d’affaires année N+1).

La conduite du changement implique donc l’existence d’une situation de départ et d’une situation d’arrivée précises ; c’est le cas par exemple lors de la mise en place d’un nouvel ERP, de la certification à une nouvelle norme, du rapprochement entre deux entreprises…

Elle s’exerce au cours de la phase transitoire permettant de passer de la première situation à la seconde. Elle permet ainsi une transformation durable des modes de fonctionnement, du latin « transformare » signifiant « donner une autre forme ». Elle s’achève lorsque la seconde situation est installée de manière pérenne.

Si le nouveau contexte de l’entreprise est celui d’un changement permanent, il se caractérise alors par la disparition des points de départ et d’arrivée, et il rend du même coup totalement obsolète la notion de « conduite » du changement, puisqu’il n’existe plus de phase transitoire entre deux situations définies. La transformation n’a plus de début ni de fin, elle est l’essence même de l’entreprise, son état permanent.

Cela questionne sur le nouveau rôle du manager, l’une de ses principales missions jusqu’à aujourd’hui étant précisément de conduire le changement…

On peut imaginer un double transfert de cette mission, vers l’entreprise d’une part, vers les collaborateurs eux-mêmes d’autre part.

L’entreprise doit savoir créer pour ses collaborateurs, notamment ceux des générations Y et Z, un univers leur permettant de faire du changement permanent une source d’épanouissement personnel et professionnel, au service de l’ambition collective. Les collaborateurs doivent quant à eux avoir la capacité à s’approprier cet univers, pour le maîtriser et non pas le subir, d’où la prise en compte de leurs « soft skills » lors de leur recrutement.

Le rôle du manager n’est plus de conduire le changement, mais de s’assurer que ses collaborateurs trouvent leur place et s’épanouissent pleinement dans l’entreprise en mouvement. Sa capacité à comprendre les différents types de personnalité au sein de son équipe est un élément essentiel pour les réussites individuelles et collectives.

Chaque type de personnalité a en effet sa manière propre d’appréhender et de vivre le changement. Aucun type n’est par nature « pour » ou « contre », chaque individu a une démarche unique de mobilisation des préférences psychologiques, qui se traduit par des modes de fonctionnement spécifiques dans le changement.

Savoir décrypter la personnalité de chaque collaborateur, pour l’aider à vivre le changement permanent, est probablement une dimension essentielle du nouveau manager, l’une de ses principales « soft skills ». Cette matière est encore très peu enseignée dans les cursus de formation, elle constitue un véritable levier pour mieux préparer les futurs managers à leurs missions à venir…

Jim BREMAUD

Publié le 29/05/2018