Les extravertis sont-ils en danger ?

J’entends depuis quelques semaines une inquiétude montante exprimée par des collaborateurs extravertis au sein des entreprises, à propos du télétravail.

Cela concerne notamment les commerciaux extravertis, contraints d’entretenir depuis mi-mars le contact avec leurs clients par téléphone ou visio-conférence, à défaut de pouvoir se déplacer.

Lorsqu’on échange avec eux sur la possibilité et l’intérêt d’instaurer cette démarche dans la durée, ils évoquent spontanément leur besoin de monter dès que possible dans leur voiture et de retourner sur le terrain pour rencontrer leurs interlocuteurs.

Ce phénomène ne touche probablement pas que les commerciaux car il est lié aux modes de fonctionnements psychologiques des extravertis.

Carl Gustav JUNG décrit l’introversion et l’extraversion comme « Une prédisposition du psychisme à agir ou à réagir d’une certaine manière face aux événements externes ».

Il écrit dans son ouvrage Types psychologiques : « Son intérêt et son attention (l’extraverti) obéissent aux événements objectifs, en premier lieu à ceux qui se produisent dans son entourage immédiat. Non seulement les personnes, mais aussi les choses le captivent. Aussi agit-il sous l’influence des personnes et des choses ».

Nous comprenons ainsi que la distanciation induite par le télétravail génère progressivement une frustration chez l’extraverti, car il n’est plus en contact rapproché des personnes et des situations.

Les études plus récentes menées sur le fonctionnement du cerveau permettent d’établir un lien entre l’introversion/l’extraversion et la sensibilité à la dopamine. Les extravertis sont peu sensibles à cette molécule chimique responsable de notre degré d’excitation, et ont donc besoin de nombreuses activités stimulantes pour en produire en quantité suffisante.

Chaque individu recherche un environnement qui lui permet de se rapprocher de son niveau optimal de stimulation, or ce niveau est particulièrement élevé chez les extravertis. Ils sont ainsi en recherche permanente de nouveaux stimuli, une démarche qui va à l’inverse de l’environnement créé par le télétravail.

Au moment où de nombreuses entreprises, en première ligne les GAFA, annoncent vouloir créer un nouveau modèle de monde du travail, basé notamment sur la généralisation du télétravail, j’invite les entreprises à la plus grande vigilance sur ses effets nocifs auprès de leurs collaborateurs extravertis. Une mise en place sans discernement, destinée à instaurer un environnement favorable à la fidélisation, pourrait rapidement avoir un effet inverse à celui recherché : le départ de nombreux collaborateurs touchés par un bore out (ennui au travail) lié au manque de stimuli.

Pour les mêmes raisons les managers vont devoir être vigilants dans la mise en place de leurs rituels, en évitant de procéder uniquement par conf call ou visio-conférence.

Le monde de demain ne sera peut-être pas celui d’hier, n’oublions pas cependant que les types de personnalité demeurent et que leur non-prise en compte pourrait s’avérer destructrice pour les entreprises et les collaborateurs.

Jim BREMAUD

Publié le 11/06/2020